Pictorialisme Hannon Edouard

Photographe amateur, né à Ixelles, dans la banlieue de Bruxelles, d’une famille de la haute bourgeoisie belge, Édouard Hannon fit des études d’ingénieur à l’université de Gand. La célèbre firme de produits chimiques Solvay le chargea, en 1877, de fonder une succursale à Dombasle, en Lorraine française. À l’occasion de ce séjour, il découvre l’atelier de verrerie et d’ébénisterie qu’Émile Gallé venait de fonder à Nancy. Sa sensibilité à l’Art nouveau l’engagea, dès le début des années 1890, à rejoindre les rangs des photographes amateurs désireux de faire reconnaître la photographie comme un art. C’était le début de ce qu’on appelle aujourd’hui l’école du pictorialisme en photographie, un mouvement né dans la mouvance de l’Art nouveau et qui, dans le même esprit, cherchait à faire appliquer à la photographie, toujours considérée comme un art industriel, les critères d’appréciation en vigueur pour les beaux-arts.

ette dichotomie dont souffrait encore la photographie à la fin du XIXe siècle, Hannon en fit l’expérience dans sa pratique photographique même. En tant que photographe amateur, adhérent de l’Association belge de photographie, et donc partisan des thèses pictorialistes, Hannon réalisa une œuvre que l’on peut qualifier de «savante», parce que se référant aux règles de la composition, du cadrage et du contraste. Il utilisa les techniques de tirage sophistiquées en vogue auprès des photographes artistes (tirage au charbon, à la gomme bichromatée) et inventa avec ingéniosité quelques procédés permettant de rendre les effets de trame et de flou, tant recherchés à l’époque. À côté de cette œuvre officielle, qui avait droit aux cimaises des salons, Hannon réalisa en tant qu’ingénieur une importante collection de clichés pris au cours de ses nombreux voyages à l’étranger où la société Solvay l’envoyait contrôler l’installation de ses filiales. Ces photos, dont on connaît les négatifs mais peu de tirages, se présentent comme des souvenirs de voyage, des traces des lieux visités, sans souci apparent de la composition ni du cadrage. Mais ce qui, dans l’esprit d’Hannon, ne devait être sans doute qu’un cahier de notes apparaît aujourd’hui comme un reportage d’une exceptionnelle qualité sur la vie sociale — principalement la vie urbaine des classes défavorisées d’Europe, des États-Unis et surtout de la Russie tsariste de la fin du XIXe siècle.
En tant que témoignage, l’œuvre d’Hannon prend place aux côtés des plus grands noms du documentaire photographique, comme Lewis Hine ou Walker Evans. Cependant, la haute valeur informative de ce reportage ne doit pas occulter ses étonnantes qualités formelles. En effet, les clichés d’Hannon sont comme des croquis inachevés si on les compare à ses photographies pictorialistes cadrées, tirées et exposées avec tout le soin exigé pour une œuvre d’art. Mais avec le recul du temps, on découvre que ces croquis sont en fait maîtrisés d’une façon étonnamment méticuleuse et qu’ils sont soumis non pas à une esthétique picturale, mais à une esthétique spécifiquement photographique, fondée sur le décadrage, le hors-champ et la contre-composition.
Hannon dut avoir une vision incroyablement prémonitoire de ce que serait, trente ans plus tard, le mouvement de la photographie pure, exaltée par Strand et Stieglitz aux États-Unis, ou par Feininger et Renger-Patzsch en Allemagne.
L’œuvre d’Édouard Hannon fut redécouverte et étudiée par le photographe belge Gilbert De Keyser, puis sauvegardée et conservée par l’Espace photographique Contretype, centre de photographie contemporaine, installé depuis 1988 dans l’ancien hôtel particulier du photographe, à Saint-Gilles, Bruxelles. Cette belle demeure Art nouveau a été construite en 1903 par un ami d’Édouard Hannon, l’architecte Jules Brunfaut. L’Espace photographique Contretype a consacré plusieurs expositions à Hannon, en particulier É. Hannon et l’Art nouveau, en 1993.

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