Laszlo Moholy Nagy

La photoplastique met en forme la lumière.

La photoplastique indique clairement la manière de transformer le procédé photographique d’enregistrement d’une activité artistique délibérée.
Les origines du photomontage remontent au procédé naïf et néanmoins très habile utilisé par les photographes d’autrefois qui consiste à créer une nouvelle image à partir de divers fragments.

Laszlo Moholy Nagy

On leur demandait par exemple de rassembler en portrait de groupe des personnes qui, pour une
Raison quelconque, n’avaient pas pu être photographiées toutes ensemble mais uniquement séparément. I tiraient ou collaient les différents portraits sur un fond commun, un décor le plus souvent, et personne ne devait pouvoir se rendre compte que le groupe en fait était formé de plusieurs morceaux. C’est ainsi qu’apparut le premier photomontage.
Les dadaïstes lui ont donné un sens plus large ; ils collèrent ensemble différents fragments photographiques pour choquer, protester et créer des poèmes optique.

De cet assemblage naissait souvent un sens quelconque, difficile à élucider, mais, néanmoins, virtuellement subversif. Ces images étaient loin de vouloir donner l’illusion de la réalité. Leur processus d’élaboration, le découpage des différentes photo­graphies et les coups de ciseaux grossiers étaient au contraire crûment mis en évidence. Ces « photomon­tages » étaient les équivalents plastiques de la musi­que futuriste et bruitiste (composée à partir de bribes de bruits, de la condensation d’éléments multiples) et ils étaient censés suggérer par exemple l’expérience excitante d’une ville qui s’éveille ou quelque phéno­mène semblable.

La photoplastique est en revanche une sorte de désordre organisé. Elle possède un sens et un centre clair qui permettent, malgré la fréquente superposi­tion et l’entrelacement d’éléments optiques et men­taux, d’embrasser sans difficulté la situation générale. En cela, elle correspond approximativement à la struc­ture d’une fugue ou aux arrangements d’un orches­tre qui, bien qu’ils soient tous deux plus ou moins construits sur la base de superpositions multiples, possèdent néanmoins un sens clair.
L’effet de la photoplastique est fondé sur l’inter­pénétration et la fusion d’éléments connexes qui ne sont pas toujours perceptibles comme tels dans la vie courante et sur l’appréhension visuelle de la simulta­néité des événements.
Jusqu’à l’apparition des futuristes, cette simulta­néité, si « on en avait conscience mentalement, n’avait
jamais été appréhendée par les sens. Les futuristes ont abordé ce problème non seulement dans leur musique mais aussi dans leur tableau comme Le bruit de la rue entre dans la maison ou Souvenir d’une nuit de bal’, etc. Cependant, la structure des oeuvres futuristes demeurait peu dynamique par rapport aux photo­montages. Le photomontage dadaïste en revanche, par son caractère indomptable et débridé, était en gé­néral trop personnel pour pouvoir être saisi rapide­ment. Il se montrait trop exigeant en voulant intro­duire sur le support bidimensionnel statique un mouvement réservé au filin. La tâche était démesu­rée, la vision échoua.
La différence entre le photomontage et la pho­toplastique est déjà perceptible dans la technique. Comme le photomontage, la photoplastique est construite à partir de différentes photographies col­lées, retouchées et rassemblées sur une surface. Mais elle reste mesurée quant à la représentation de la simultanéité. La photoplastique est claire, on peut l’embrasser d’un seul coup d’oeil et elle utilise les élé­ments photographiques d’une manière concentrée, débarrassée de tout accessoire gênant. Elle montre des situations condensées, susceptibles de déclencher des associations d’idées à une vitesse extraordinaire.
Cette économie accrue facilite la compréhension et, souvent, permet au sens latent de jaillir.
Notre confiance en l’objectivité d’une photogra­phie, qui ne semble pas pouvoir autoriser l’interpré­tation

Subjective d’un fait, favorise l’apparition de tensions inattendues, issues du montage d’éléments photographiques avec des lignes et d’autres complé­ments, et excédant largement la signification des frag­ments isolés. Par une figuration purement graphique ou picturale des mêmes formes, on pourrait diffici­lement obtenir le même effet car c’est précisément de la fusion de ces divers fragments d’événements photographiés, des superpositions simples et com­plexes, que naît une remarquable homogénéité, la­quelle se meut sur une voie conforme aux lois opti­ques, comme sur les rails des idées. De cet ensemble peut résulter un effet comique, bouleversant, écra­sant, satirique, visionnaire,

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